EPR : Le chantier nucléaire va mal !
mercredi 28 mai 2008
La construction du nouveau réacteur de la centrale de Flamanville est moins idyllique qu’annoncé. L’autorité de sûreté nucléaire pointe, notamment, des soucis importants dans le coulage du béton.
mercredi 02 avril 2008, Jean-Yves Desfoux, Ouest-France
Malaises sur le chantier du réacteur EPR (Ouest France)
CHERBOURG. - « Depuis le mois de décembre, nous avons coulé 40 000 m3 de béton. Mille personnes travaillent sur le chantier aux côtés de soixante-dix employés EDF », indique le service communication d’EDF. Quant aux opérations de formation et d’embauches locales, elles se déroulent « au mieux. En BTP, nous avons atteint tous nos objectifs et réussi à recruter 50 % de locaux », souligne Jehan Eric Winckler, coordonnateur du grand chantier. Par ailleurs, « la nouvelle route d’accès au sud et la future cale de déchargement des colis lourds sont en bonne voie ».
L’accueil des salariés extérieurs ne poserait pas davantage de problèmes. « Je suis même surpris par les capacités d’accueil des infras-tructures du Cotentin », déclare Jehan Eric Winckler. Même satisfaction à la Chambre de commerce de Cherbourg, où le président, Jean-Claude Camus, se félicite de l’efficacité du site Internet interentreprises. 80 millions d’euros ont été injectés localement en 2007. En résumé, tout va bien...
Cette version positive mérite quelques bémols. Le zèle à couler du béton en vitesse n’est pas du goût de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire). Lors de son inspection du 5 mars sur la construction du radier de l’îlot nucléaire, l’ASN a découvert que « la qualité du ferraillage n’était pas satisfaisante ». L’Autorité de sûreté pointe également « des insuffisances dans le contrôle technique exercé par le groupement ’Bouygues, Quille et Baudin-Châteauneuf’ et dans la surveillance des activités exercées par EDF. »
Le rappel à l’ordre est sévère : « Je demande à EDF de m’indiquer pourquoi la phase de bétonnage a pu être lancée avec un ferraillage partiellement non conforme », explique Thomas Houdré, chef de la division nucléaire de Normandie. « Notre intervention a permis de corriger le défaut avant bétonnage, mais il est anormal qu’EDF n’ait pas constaté, elle-même, ce défaut. »
« La sécurité est à cran »
Greenpeace ne manque pas de relever ces dérives. « Rappelons qu’il s’agit du béton qui doit assurer directement la sûreté du réacteur et du stockage des combustibles irradiés », déclare son porte-parole, Yannik Rousselet. Le rythme soutenu pose aussi question à la CGT, exclue de toute les réunions de chantier. « Il existe un réel climat de tension sociale », constate Jacques Tord, délégué cégétiste. « Le recours à l’intérim est beaucoup trop élevé et l’esprit sécuritaire prend le pas sur le dialogue social. »
« On est à cran », confirme, sous le couvert d’anonymat, un des membres du service de gardiennage. « Nos conditions de travail sont déplorables : équipements défaillants, horaires élastiques, disparités salariales avec la centrale nucléaire, tenues inadaptées aux mauvaises conditions météorologiques... » Sur les 27 agents chargés de surveiller le chantier nucléaire, onze sont employés en CDD. « Certains craquent et font de la dépression ».
Pour la CGT, « EDF est victime du syndrome de l’EPR finlandais. » Lancée en 2005, la construction de ce premier réacteur EPR connaît bien des déboires. Le chantier a deux ans de retard et affiche un surcoût de 1,3 milliard qui portera la facture à 4,5 milliards d’euros. Pour Flamanville, Pierre Gadonneix, le PDG d’EDF, ne cache pas qu’il faut aussi s’attendre à un dépassement, sans toutefois en préciser le montant. Jean-Pierre BUISSON.
Un réacteur et une ligne 400 000 volts contestés
« En 2020, quatorze des plus anciens réacteurs français auront 40 ans ou plus. En 2025, ce sera le cas de 34 autres. » Le parc nucléaire actuel, en France, compte 58 réacteurs. L’EPR avec ses 1 650 Mégawatts, constituerait donc, selon ses promoteurs Aréva et EDF, la meilleure réponse pour leur remplacement. Il permettrait aussi, d’après eux, de répondre à la croissance de la demande d’électricité.
Annoncé comme techniquement plus sûr, plus puissant et produisant moins de déchets, l’EPR fait toutefois l’objet d’une contestation au sein même de la communauté nucléaire. Certains physiciens estiment cette étape technologiquement inutile.
Pour les antinucléaires, « l’EPR est une hérésie ». Didier Anger, coordonnateur du collectif normand « EPR non merci » dénonce « l’aspect coûteux. Avec les 3,3 milliards d’euros, on pourrait créer 15 fois plus d’emplois dans le Grand Ouest en développant les économies d’énergies et les énergies renouvelables ». Les écologistes dénoncent les rejets qu’il va contribuer à augmenter à Flamanville. Notamment le tritium (hydrogène radioactif), rejeté à la mer en grandes quantités par les centrales nucléaires.
« En Grande-Bretagne, le très officiel Advisory Group on Ionising Radiation (AGIR) propose de multiplier par deux le facteur de risque pour cet élément. D’autres études tendent à montrer que, contrairement à ce qui est admis, le tritium rejeté dans l’environnement s’accumule dans la chaîne alimentaire. Ainsi, des poissons plats de la baie de Cardiff sont 1 000 à 10 000 fois plus contaminés que l’eau de mer analysée sur le même site », souligne l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest.
La contestation s’amplifie aussi dans les campagnes de la Manche, de la Mayenne et d’Ille-et-Vilaine autour du tracé de la ligne électrique 400 000 volts (150 km, 300 pylônes) qui doit relier le Cotentin au Maine. Les opposants ont décidé d’engager leur propre étude scientifique sur les effets des courants électromagnétiques sur la santé des populations vivant à proximité des couloirs de lignes. À Chèvreville, dans le Sud-Manche, les électeurs sont allés jusqu’à bouder les urnes des dernières municipales pour protester contre le passage des pylônes.
J.P.B.
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Le chantier va de plus en plus mal
A Flamanville, les travaux de l’EPR sont suspendus après des anomalies
LEMONDE.FR | 28.05.08 | 09h12
SAINT-LÔ CORRESPONDANT
Toute opération de coulage de béton est stoppée, depuis le 23 mai, sur le site du futur réacteur nucléaire de nouvelle génération EPR, à Flamanville (Manche). Après inspection, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a en effet découvert une anomalie dans le ferraillage de l’îlot de support du réacteur. La deuxième en quelques semaines. "Nous avons suspendu le coulage du béton pour une durée indéterminée, indique Thomas Houdré, chef de la division ASN de Normandie. Les opérations ne pourront reprendre qu’après correction et vérification de notre part."
Selon les inspecteurs de l’ASN, ces "erreurs" répétées ne remettent pas en cause la sûreté de la future installation. Toutefois, "elles illustrent un manque de rigueur inacceptable". "EDF doit ren forcer la culture de sûreté sur le chantier, indiquent-ils. Elle doit aussi améliorer ses propres contrôles et ceux effectués par ses prestataires."
ÉGALEMENT DES PROBLÈMES SUR LE SITE DE L’EPR FINLANDAIS
Ce rappel à l’ordre répond aux demandes de Greenpeace. L’association écologiste a listé les remarques dressées par l’ASN depuis le démarrage du chantier, en décembre 2007 : "Utilisation de béton de qualité inadaptée, fissures dans le béton, non-conformités ou absence de ferraillage pour le béton de la plateforme support du réacteur, soudures non conformes réalisées par un fournisseur, non-qualification de certains opérateurs, en particulier des soudeurs en charge de la réalisation du liner [coque en acier de protection interne], contrôles qualité inexistants ou inadéquats, variations non autorisées entre les plans papier du projet initial et la mise en œuvre, incapacité à réparer ces erreurs de façon satisfaisante", rappelle Yannick Rousselet, chargé de campagne chez Greenpeace.
"Sans surprise, le chantier français prend le même chemin catastrophique que le chantier de l’EPR finlandais [actuellement très en retard], constate l’association. Ce qui se passe en Finlande et en France prouve que le nucléaire, c’est trop tard, trop cher, trop risqué. Le projet EPR doit être abandonné." Les soucis de l’EPR ne se limitent pas au domaine technique. Mercredi 28 mai, les agents de sécurité du chantier en ont bloqué les accès. "La société qui les emploie, filiale du groupe Onet, ne répond pas à leurs revendications salariales et nous renvoie vers EDF", explique Jacques Tord, délégué spécial de la CGT pour le chantier.
Les 34 agents concernés protestent aussi contre leurs conditions de travail. "La moitié d’entre eux est employée en CDD, déplore la CGT. Nous réclamons la requalification de leur contrat en CDI. Il est paradoxal qu’un chantier dit de haute importance ne dispose pas de moyens de surveillance adéquats. Ces agents de sécurité ne sont pas chargés de garder un supermarché, ils ont besoin d’être formés et équipés pour remplir leur mission." Le malaise ne se limite pas aux agents de sécurité du chantier. Leurs collègues de la centrale nucléaire envisageaient de leur emboîter le pas, en organisant, jeudi 29, un filtrage des accès. Les syndicats CFDT et CGT se plaignent d’un "manque de dialogue social sur le chantier".
Jean-Pierre Buisson
Chantier EPR : FO condamne la "pression" sur le personnel et les entreprises
AFP - 28 mai 2008 - PARIS - La fédération FO énergie-mines (Fnem-FO) a condamné mercredi la "pression" mise par EDF sur le personnel et sur les entreprises pour respecter les plannings de construction de l’EPR, réacteur nucléaire de troisième génération confronté à des difficultés techniques.
Les opérations de coulage de béton de l’EPR à Flamanville (Manche) ont été suspendues le 21 mai après que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a relevé des "anomalies".
"Ces problèmes sont à mettre sur le compte d’une logique financière qui incite EDF à respecter absolument le délai de construction de l’EPR, tout cela à seule fin de respecter le planning communiqué aux marchés financiers", déplore la Fnem-FO dans un communiqué.
L’organisation syndicale "condamne, en conséquence, vigoureusement la pression mise sur les personnels tant d’EDF que des entreprises pour respecter les plannings".
Elle demande également "qu’EDF crée enfin tous les emplois nécessaires (...) pour assurer, dans les meilleures conditions d’efficacité, la construction de ce chantier essentiel dans un contexte de renouveau international du nucléaire".
"Ce n’est pas l’évolution du cours de la Bourse qui doit déterminer le rythme de construction de la centrale mais bien au contraire des considérations d’excellence technique", juge-t-elle.
L’EPR de Flamanville est le deuxième réacteur à eau sous pression (European Pressurised water Reactor) en construction dans le monde, après celui de Finlande. Sa construction a démarré en décembre et il doit être mis en service en 2012.
lundi 6 octobre 2008
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