vendredi 11 avril 2008

reglementation reseau intranet

L'employeur doit-il ouvrir son intranet aux organisations syndicales


L'intranet s'est généralisé aujourd'hui dans de nombreuses entreprises pour devenir un outil essentiel de communication.

De plus en plus d'organisations syndicales souhaitent aujourd'hui avoir accès à ce réseau.

Aucune réglementation n'existe à ce jour ce qui suscite de nombreuses interrogations.

1/ Les organisations syndicales peuvent-elles avoir accès au réseau interne de l'entreprise ?

Aucune disposition ne contraint l'employeur à accorder aux organisations syndicales l'accès au réseau de l'entreprise, la vocation d'un intranet étant d'abord professionnelle.

Face à ce vide juridique, le ministre de l'emploi et de la solidarité, puis le ministre du travail ont précisé que "l'utilisation d'intranet par les organisations syndicales est possible à la condition de rechercher par voie d'accord avec l'employeur les modalités d'accès et de diffusion des messages à caractère syndicales de celles-ci".

Dans ce sens également, la Commission de modernisation de l'administration a approuvé, le 19 juin dernier, des recommandations ministérielles sur l'utilisation des technologies de l'information par les syndicats.

Il est donc possible de prévoir par voie d'accord la création d'un site ou de pages exclusivement réservées aux organisations syndicales ainsi que les modalités techniques d'accès et d'utilisation du réseau.

A l'inverse, en l'absence d'autorisation de la part de l'employeur ou à défaut d'accord, les organisations syndicales ne peuvent utiliser le réseau intranet en sus des moyens mis à leur disposition par la législation pour exercer leur mandat (tracts, affichage, réunions ...)

Des négociations ont été menées dans certaines entreprises à ce sujet.

Chez FRANCE TELECOM un accord portant sur "la mise en place d'un panneau d'affichage syndical sur l'intranet" a été signé en Septembre 2000.

De même, le groupe Renault a signé le 23 juin 2000 un accord collectif sur la concertation sociale prévoyant le principe d'un site d'affichage intranet pour chaque organisation syndicale et pour les comités d'établissement. L'accord a été suivi par la signature d'une charte sur les conditions d'accès et d'utilisation de l'intranet, conclue pour une durée d'un an à parti du 1er janvier 2001.

La liberté syndicale y est bien encadrée, chaque syndicat signataire disposant d'un espace d'affichage sur l'intranet du Groupe, sans possibilité de déclinaison régionale.

C'est également le cas chez une firme internationale d'ingénierie, qui a conclu un accord, le 05 Octobre sur le droit syndical, organisant un accès à l'intranet pour chaque syndicat représentatif au niveau de l'entreprise.

Cependant, l'employeur, après avoir accordé à certaines organisations syndicales la possibilité d'accéder à l'intranet de l'entreprise ne peut, dans le même temps, refuser l'accès à d'autres et ce sous peine de discrimination.

Ainsi, la Société BULL a-tété condamnée pour favoritisme (TGI de VERSAILLES 2ème chambre, 20 Novembre 1998 GMM - CFDT c/ SA BULL : jurisdata N° 40 38 06) pour avoir ouvert sur son réseau une base notes d'informations à la CFE-CGC, mais sans la participation des autres syndicats.

De plus, l'exercice du droit d'expression syndicale étant libre, chaque organisation syndicale est par principe maître du contenu des communications syndicales.

L'employeur ne pourra donc exercer en amont aucun type de contrôle sur le contenu des communications syndicales qui lui sont adressées s'il opte pour un accès au réseau.

2/ Les difficultés soulevées par l'exercice du droit syndical sur le réseau intranet :

En pratique certains délégués syndicaux se disent déçus des accords signés, déplorant qu'ils ne soient "qu'une version électronique du panneau d'affichage" qui a disparu depuis.

Il est vrai que les organisations syndicales qui ont signé un accord avec l'employeur se limitent aujourd'hui à l'affichage sur intranet de communications syndicales, au détriment de la diffusion de publication et de tracts, autre forme du droit d'expression syndicale.

Certaines entreprises s'opposent également à la création de liens dans les pages de l'intranet syndical même si ces liens renvoient à des sites pratiques et associatifs comme ceux de la CGT et de l'OIT.

La désactivation unilatérale par l'employeur de tels liens pourrait-elle être comme une entrave à l'exercice des droits syndicaux dans la mesure où l'employeur prive les salariés de l'information complète qui leur était destinée ?

La question reste entière car elle dépend de la façon dont la page web aura été réalisée et des informations qui subsistent après suppression des liens.

Car l'intranet, s'il permet de faciliter l'expression syndicale, pourrait bien dans certains cas permettre une censure facilitée par la technique.

La CGT chez Renault n'a d'ailleurs signé ni l'accord, ni la charte, estimant que la revendication d'avoir un site interactif n'a pas été totalement satisfaite et que certaines pratiques (qui risquent d'encombrer le réseau) sont interdites, notamment la diffusion de tracts par messagerie.

Il est vrai que l'affichage des communications syndicales s'effectue librement sur des panneaux réservés à cet usage et distincts de ceux qui sont affectés aux communications des délégués du personnel et du comité d'entreprise.

Ceci ne pose effectivement aucune difficulté de transposition au réseau intranet, et ce même en l'absence de support papier, si on considère que le panneau d'affichage serait représenté par le site intranet réservé ou les pages dédiées sans discrimination à toutes les organisations syndicales de l'entreprise.

En revanche, la transposition des règles classiques de diffusion de tracts syndicaux semble plus délicate sur l'intranet de l'entreprise.

L'article L 412-8 du Code du Travail prévoit que les publications de tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusées aux travailleurs de l'entreprise dans l'enceinte de celle-ci aux heures d'entrée et de sortie du travail.

Le personnel de l'entreprise ayant accès aux communications syndicales par le réseau intranet sera situé dans l'enceinte de l'entreprise, ce qui ne pose aucune difficulté.

Cependant, il est techniquement difficile de faire en sorte que les tracts soient diffusés aux heures d'entrée et de sortie du travail !

Il en est de même pour l'obligation posée par le Code du Travail de donner simultanément au chef d'entreprise les communications syndicales qui n'est pas forcément connecté au même moment.

L'accès de l'intranet aux organisations syndicales soulève donc certaines difficultés qui ne peuvent pas tous être résolus par les accords qu'elles conclueront avec les employeurs.

Un ajustement des règles prévues par le Code du Travail et la jurisprudence, notamment en matière de diffusion classique des tracts semble donc nécessaire.

Source : Martine RICOUART-MAILLET - BRM Avocats (1er octobre 2001)

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