Le Talk - Jean-Claude Mailly
04/09/2008 | Mise à jour : 20:15 |
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Le secrétaire général de Force ouvrière était l'invité du Talk Orange-Le Figaro
Guillaume Tabard - Jean-Claude Mailly, bonsoir. Chaque année, c'est un peu la question rituelle : «La rentrée va-t-elle être chaude ?» Il y en a un en tout cas qui, avant l'été, n'était pas inquiet (passage vidéo de M. Sarkozy : «Désormais, quand il y a une grève personne ne s'en aperçoit»). Dans une semaine, le 11 septembre, il y a déjà une grève importante annoncée dans l'Éducation nationale où Force ouvrière est assez représentée, cette fois-ci les Français vont-ils se rendre compte qu'il y a une grève en France ?
Jean-Claude Mailly - On verra. J'avais dit que la déclaration du président de la République était une provocation. Il arrivera un moment, dans les manifestations qui auront lieu le 11 septembre ou autres, où on aura des banderoles faisant référence à ce qu'il a dit. Il y a toute une série d'actions professionnelles dans des secteurs professionnels qui sont programmées. Il y a l'enseignement comme vous l'indiquiez, La Poste, les retraités le 16 octobre, il y aura la préfectorale. Il y a toute une série de mouvements sectoriels qui sont d'ores et déjà programmés.
La Poste, nous en dirons un mot. Beaucoup d'internautes, y compris certains qui se déclarent militants socialistes, posent des questions sur le principe même de la grève, comme par exemple Pierre, qui habite à La Rochelle, qui vous demande s'il n'y a pas de moyens plus modernes de faire passer vos revendications.
C'est l'éternel débat. La grève est-elle efficace ou pas. D'abord la grève on ne la lance pas comme ça. C'est, en général, quand on a épuisé d'autres types d'action. Il y a l'information, la manifestation. Moi, je ne pense pas du tout que la grève soit un outil dépassé. On ne lance pas ça n'importe comment. Une grève se prépare. Si l'on veut qu'elle soit réussie, il faut qu'il y ait une unité d'action. Il faut donc trouver les conditions de l'unité d'action. Maintenant faire grève à répétition, un jour et le mois d'après encore, on l'a fait l'année dernière dans certains secteurs et ce n'est pas efficace. Il est vrai que les salariés se disent que quatre jours de grève de manière répétée pour aboutir à rien, ce n'est pas efficace.
À l'école, la rentrée scolaire vient à peine d'avoir lieu et une semaine après, ça y est, on décide une grève.
Il n'est pas aussi évident que cela qu'il y aura vraiment grève. Il y aura une journée de mobilisation plus exactement, le 11 septembre, parce qu'il y a les problèmes posés dans l'Éducation nationale, notamment par rapport aux effectifs. C'est là l'une des origines des problèmes à l'Éducation nationale. S'il y a pas mal de mobilisations prévues, notamment dans le secteur public au sens large, ça rentre aussi dans le cadre de la politique du gouvernement de ce qu'on appelle la révision générale des politiques publiques qui conduit ici ou là à des restrictions de service public. C'est vrai dans les préfectures, par exemple, où certaines sous-préfectures vont être menacées et risquent de disparaître. C'est vrai d'une certaine manière dans La Poste, c'est vrai dans la santé avec la mise en place d'agences régionales de santé. Ces éléments-là provoquent des réactions dans le secteur public.
On a vu un communiqué signé de la CGT, de la CFDT, de la CGC, du FSU, de l'UNSA, etc. qui appelle à une mobilisation unitaire, le 7 octobre, d'ailleurs en liaison avec les syndicats européens. En revanche, FO n'en est pas. Là on va vous dire FO brise l'unité syndicale ?
Non. Moi, j'aime bien les choses claires. À Force ouvrière nous aimons bien les choses claires. Le 7 octobre ça fait maintenant près d'un an que c'est arrêté. C'est une journée internationale de solidarité dans le cadre mondial, dans le cadre de la Confédération syndicale internationale. Avec les autres organisations françaises nous avons arrêté le dispositif, il y a eu plusieurs réunions, depuis la fin du printemps et ils étaient tous d'accord, dans le cadre de la solidarité internationale, pour un rassemblement au Trocadéro, place des Droits de l'homme, avec les militants la présence de délégations étrangères. C'est ça le 7 octobre et ça Force ouvrière y sera puisque nous en avons pris l'engagement et souhaitons y être dans le cadre de la solidarité internationale. Nous ne souhaitons pas, en revanche, tout mélanger. Faire du 7 octobre une journée fourre-tout et qui serait d'une certaine manière une forme de rentrée sociale pour solde de tout compte, là-dessus nous ne sommes pas d'accord et nous l'avons dit. Nous, nous sommes partisans de ne pas mélanger les choses au niveau international et au niveau national. Il y a des revendications spécifiques en France tant vis-à-vis du gouvernement que vis-à-vis du patronat et on demande aux autres organisations syndicales de réfléchir et de discuter sur d'autres possibilités d'actions interprofessionnelles.
Est-ce la CGT qui va trop loin dans l'amalgame ?
Peut-être que c'est lié à la campagne prud'homale mais là il faut poser la question à Bernard Thibault.
La campagne prud'homale justement, c'est le 3 décembre qu'ont lieu ces élections prud'homales. La dernière fois c'était en 2002 et FO avait obtenu, je crois, 18, 5 % des voix. Cette fois-ci quel est votre objectif ?
Progresser. Je ne fixe pas de chiffres particuliers mais la progression. Quand il y a une campagne électorale, ce qu'on souhaite c'est arriver en troisième position, après les autres sont beaucoup plus loin derrière. On souhaite progresser par rapport au dernier score. C'est ça l'objectif qu'on se fixe.
Le paysage syndical bouge. Il y aura la mise en place des nouveaux critères dits de représentativité syndicale voulus, en tout cas acceptés par la CGT, pas par FO. Cela veut-il dire que FO se considère finalement comme un petit syndicat qui risque de faire les frais de cela ?
Non.
Recherchez-vous des alliés pour peser davantage dans le paysage syndical ?
Non, pas du tout. Si nous n'avons pas signé cet accord sur la représentativité, je ne crains rien pour Force ouvrière. Peut-être ici ou là dans telle ou telle entreprise mais ce sera vrai pour la CGT et la CFDT également, il pourrait y avoir des difficultés mais nationalement dans les fédérations, la plupart des entreprises, là où nous sommes présents, il n'y aura pas de problèmes. Je n'ai donc pas d'inquiétudes du tout pour FO. Si nous avons refusé c'est sur la logique qui sous-tend d'abord cet accord et ensuite la loi. Je ne souhaite pas et nous ne souhaitons pas à Force ouvrière que demain l'essentiel des négociations se fasse uniquement au niveau de l'entreprise. L'une des caractéristiques de ce que j'appelle moi le modèle républicain avec ses conséquences sur le plan social, c'est qu'il y ait des négociations d'entreprise mais avant il y a des négociations de branches et des négociations interprofessionnelles. C'est ce système-là qui permet par exemple aux travailleurs français… La France est le pays où la proportion de salariés couverts par une convention collective est la plus importante au monde : 90 %. C'est l'articulation des différents niveaux de négociations. Or, ce système de représentativité va conduire à privilégier la négociation d'entreprise par rapport aux autres niveaux. Là nous disons qu'il y a un danger. Ensuite derrière la tête des uns et des autres on va essayer de modifier le paysage syndical.
Nous ne pouvons pas rentrer trop dans le détail. Il y a un certain nombre d'entreprises concernées par des dossiers chauds : La Poste, le capital de La Poste va être ouvert compte tenu de l'ouverture à la concurrence au niveau européen en 2011. Finalement, n'y a-t-il pas d'autres solutions que d'ouvrir le capital de La Poste ?
Il y a d'autres solutions.
Lesquelles ?
Prenez La Poste aujourd'hui 100 % publique. Cela a-t-il empêché La Poste de créer des filiales types GéoPoste ou la Banque postale ? Non. Cela ne l'a pas empêché de créer ce type de filiale.
Cela ne l'empêcherait-elle pas de résister à la concurrence ?
Non. On peut très bien concevoir, sauf si on dit que l'État ne mettra pas d'argent au bout parce que le déficit est tel que l'État, l'actionnaire principal, ne peut pas aider. Mais, hier, j'étais dans une région où le responsable de La Poste m'expliquait que sur trois ans ils allaient investir cent millions d'euros. Il y a des investissements qui se font à La Poste. En plus, si l'on rentre dans cette mécanique nous, on a de la mémoire, on se souvient de ce qui s'est passé à France Télécom et aujourd'hui France Télécom est loin d'être un service public.
Ça marche.
Ça marche moins bien que ça ne marchait quand c'était un service public, y compris quand on est usager on a plus de difficultés avec France Télécom aujourd'hui que quand c'était un service public. On a vu ce qui s'est passé à Gaz de France. On nous avait dit au départ de ne pas nous inquiéter qu'on allait ouvrir juste un peu (15-20 %). Maintenant, Gaz de France est privatisé. Ce sera la même chose pour La Poste.
Un autre sujet, le RSA et son mode de financement tel qu'il est prévu. Dites-vous bravo à Sarkozy ?
Sur le RSA il y a des dangers, nous l'avons souligné. Il y a un point important pour nous c'est qu'on craint que le RSA conduise à ce que des salariés restent à temps partiel, que ce soit une trappe à temps partiel d'une certaine manière. Le projet tel qu'il est ne répond pas à ça. Cela risque de développer le temps partiel. Sur le financement du RSA, au moins une partie, parce que c'est sur un milliard et demi, le président de la République et le gouvernement ont décidé de taxer les placements financiers. Sur le principe, on est d'accord. En revanche, ce qui n'est pas acceptable c'est que ce soit inclus dans le bouclier fiscal.
Mieux vaut ça ou rien du tout ?
Ça veut dire que le petit épargnant perd 1 % mais que celui qui paie l'ISF ne paiera rien, c'est cela que ça veut dire, si c'est intégré dans le bouclier fiscal. Je vous rappelle que le bouclier fiscal, il ne faut pas l'oublier, 91 % des sommes consacrées par le budget de l'État au bouclier fiscal concernent les plus aisés, c'est-à-dire les riches. Il y a déjà une inégalité, on ne va pas en rajouter une deuxième.
Le livre de votre collègue, François Chérèque, a relancé le débat sur l'affaire de l'UIMM en révélant que Nicolas Sarkozy avait parlé, avant d'être élu président, d'une possible amnistie relative au financement des syndicats. Que pensez-vous de cela ? Et surtout, c'est une question qui est posée par un internaute, FO a-t-elle quelque chose à se reprocher ?
Non, je l'ai déjà dit vingt fois : FO n'a rien à se reprocher sur cette question-là.
Il y a des enquêtes en cours.
Oui, je sais. Comme tout le monde je lis la presse. Ce sont les seules informations que l'on ait sur ce dossier. Maintenant le président a-t-il dit ça à François Chérèque ? Je n'en sais rien. Je n'étais pas présent à leur entretien. Le dossier n'est pas posé. Pour le moment où en est l'enquête, etc. on n'en sait pas plus. On ne se sent pas concerné par ce dossier.
Avez-vous lu ce livre ? Il n'est pas toujours tendre avec FO.
Non, pas encore. Je n'ai pas encore eu le temps de le lire. Je ne sais s'il est tendre ou pas avec FO.
Parfois ils accusent un peu d'hypocrisie, notamment sur la…
Je n'aime pas beaucoup les livres qui racontent… «chacun voit midi à sa porte», comme on dit. D'autres l'ont fait avant lui, y compris des politiques. Ils racontent leur version des choses. Forcément quand on raconte sa propre histoire, il y a une part de subjectivité. Moi, je ne ferai pas ce type de livre, c'est clair. Chacun a son tempérament. L'hypocrisie de FO, je veux bien, je ne vois pas pourquoi il dit ça.
En tout cas pas de livre de Jean-Claude Mailly en préparation ?
Non. Je n'ai pas le temps et si jamais j'écris un livre un jour, j'espère pouvoir l'écrire seul, mais pour le moment la difficulté est que je n'ai pas le temps.
Merci d'avoir pris le temps de venir au Talk France Télécom Figaro. À demain, merci.
jeudi 4 septembre 2008
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