lundi 8 février 2010

inaptitude professionnelle

Constatation de l'inaptitude après une seule visite médicale[ 3 février 2010 ]
L'inaptitude ne peut être constatée après une seule visite médicale lorsque l'avis médical ne mentionne pas, outre la référence à l'article R. 4624-31 du code du travail, qu'une seule visite est effectuée. La mention d'une procédure d'urgence ne suffit pas.

>> Soc. 20 janv. 2009, F-P+B, n° 08-45.270




Commentaire :
L'inaptitude est « prise en compte par la loi pour ôter le caractère discriminatoire aux mesures décidées par l'employeur en raison de l'état de santé ou du handicap du travailleur » (Rép. trav. Dalloz., n° 356, v° Médecine du travail [Services de santé au travail], par J. Savatier). Lorsqu'il est déclaré inapte, le salarié ne peut plus occuper son poste de travail et ne peut donc prétendre à aucune rémunération. L'employeur est alors tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités. Si le reclassement est impossible, le licenciement est alors justifié. Toutefois, si le salarié n'est ni reclassé ni licencié à l'issue d'un délai d'un mois, l'employeur est tenu de lui verser, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Eu égard aux conséquences importantes qu'il est susceptible d'entraîner, le constat de l'inaptitude obéit à une procédure « destinée à garantir le salarié contre une appréciation trop hâtive de son inaptitude physique qui compromettrait son emploi. Il s'agit de trouver un équilibre entre la protection de la santé du travailleur et la protection de son emploi » (J. Savatier, préc., n° 357).

La Cour de cassation veille au strict respect de cette procédure, comme l'illustre le présent arrêt du 20 janvier 2010. En principe, l'inaptitude du salarié à son poste ne peut être constatée par le médecin du travail qu'après deux examens médicaux espacés de deux semaines. Toutefois, la chambre sociale rappelle, en premier lieu, que l'article R. 4624-31 du code du travail prévoit que cette inaptitude puisse être déclarée à l'issue d'un seul examen dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé et sa sécurité ou celles des tiers. Reprenant, en second lieu, une jurisprudence désormais bien assise, la Cour de cassation énonce les mentions que doit comporter l'avis du médecin du travail pour constater l'inaptitude après un seul examen médical. En effet, l'inaptitude ne peut être déclarée après un seul examen médical que si la situation de danger résulte de l'avis du médecin du travail ou si cet avis indique, outre la référence à l'article R. 4624-31 du code du travail, qu'une seule visite est effectuée (Soc. 19 janv. 2005, D. 2005. Pan. 2503, obs. Pélissier ; Dr. soc. 2005. 546, note Savatier ; RJS 2005. 203, n° 268 ; JS Lamy 2005, n° 163-3 ; Dr. ouvrier 2005. 263, note Bouaziz et Goulet ; 21 mai 2008, RJS 2008. 711, n° 884 ; Sem. soc. Lamy 2008 n° 1358, p. 11). Ainsi, la seule mention de l'article R. 4624-31 du code du travail ne suffit pas à caractériser la situation de danger immédiat qui permet au médecin du travail de constater l'inaptitude du salarié au terme d'un seul examen médical (Soc. 11 mai 2005, D. 2005. IR 1587, obs. Chevrier ; RJS 2005. 531, n° 730). Il en est de même lorsque, comme en l'espèce, l'avis comporte, outre la référence à l'article R. 4624-31 du code du travail, la mention d'une procédure d'urgence. Il manque en effet la mention qu'une seule visite est effectuée et, selon la Cour de cassation, la « mention d'une procédure d'urgence ne pouvait y suppléer ».

Seules deux possibilités s'offrent donc au médecin du travail : soit la situation de danger résulte de l'avis médical, soit cet avis indique, outre la référence à l'article R. 4624-31 du code du travail, qu'une seule visite est effectuée. La règle est claire et doit être rigoureusement respectée par le médecin du travail pour conclure de façon définitive à l'inaptitude du salarié au terme d'un seul et unique examen. À défaut, le licenciement pour inaptitude prononcé à la suite d'un seul examen médical est nul, car fondé sur l'état de santé du salarié (Soc. 26 mai 2004, Bull. civ. V, n° 139 ; Dr. soc. 2004. 907, obs. Savatier ; RJS 2004. 618, n° 903 ; 20 sept. 2006, RDT 2006. 385, obs. Pignarre ; RJS 2006. 868, n° 1169 ; Dr. soc. 2006. 1117, note Savatier).

S. Maillard

Dalloz actualité © Editions Dalloz 2010
PRUD'HOMMES
CB


COUR DE CASSATION

Audience publique du 20 janvier 2010

Cassation

M. TRÉDEZ, conseiller le plus ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 169 F-PB


Pourvoi n° X 08-45.270

Aide juridictionnelle totale en demande

au profit de M. Omar El Moumen.

Admission du bureau d'aide juridictionnelle

près la Cour de cassation

en date du 25 septembre 2008.



R E P U B L I Q U E FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. Omar El Moumen, domicilié 6 rue Félix Maulien, 45000 Orléans,

contre l'arrêt rendu le 14 février 2008 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Eiffage travaux publics Ile-de-France Centre, venant aux droits de la société en nom collectif Appia Loiret, dont le siège est 57 rue Hatton, BP 57, 45750 Saint-Pryvé Saint-Mesmin,

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 9 décembre 2009, où étaient présents : M. Trédez, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Frouin, conseiller rapporteur, M. Chollet, conseiller, Mme Wurtz, conseiller référendaire, M. Aldigé, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Frouin, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de M. El Moumen, de Me Ricard, avocat de la société Eiffage travaux publics Ile de France Centre, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article R. 241-51-1, alinéa 1er, devenu R. 4624-31 du code du travail ;

Attendu que, selon ce texte, sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude d'un salarié à son poste de travail qu'après deux examens médicaux espacés de deux semaines ; qu'il s'ensuit que cette inaptitude ne peut être déclarée après un seul examen médical que si la situation de danger résulte de l'avis du médecin du travail ou si cet avis indique, outre la référence à l'article R. 4624-31 du code du travail, qu'une seule visite est effectuée ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. El Moumen, engagé le 5 août 1977 en qualité d'ouvrier routier par la société Appia Loiret, devenue Eiffage travaux publics, a connu d'importants problèmes de santé courant 2005 et à l'issue de la visite médicale de reprise, le 2 février 2006, a été déclaré inapte par le médecin du travail en application de la procédure d'urgence de l'article R. 241-51-1 du code du travail ; qu'il a été licencié pour inaptitude, le 2 mars suivant ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour contester le licenciement et demander le paiement de diverses sommes ;

Attendu que, pour refuser de déclarer nul le licenciement de M. El Moumen et décider qu'il était fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'article R. 241-51-1 du code du travail dispose que "sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude du salarié à son poste de travail qu'après une étude de ce poste et des conditions de travail dans l'entreprise et deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés le cas échéant, des examens complémentaires mentionnés à l'article R. 241-52", que ces dispositions renvoient à deux situations possibles à savoir celle du salarié pour lequel la reprise du travail même pendant deux semaines serait susceptible d'aggraver son état et celle de celui qui peut reprendre une activité durant cette même période de temps, sans pour autant menacer sa santé ou celle des tiers, qu'il s'ensuit que le médecin du travail qui vise à la fois ledit article et l'urgence se positionne nécessairement et clairement par rapport à la situation de danger immédiat, toute autre interprétation revenant à dénaturer le sens de son avis ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'avis du médecin du travail ne mentionnait pas, outre la référence à l'article R. 241-51-1, devenu l'article R. 4624-31 du code du travail, qu'une seule visite était effectuée et que la mention d'une procédure d'urgence ne pouvait y suppléer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne la société Eiffage travaux publics Ile-de-France Centre aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille dix.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils pour M. El Moumen

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR refusé de déclarer nul le licenciement de Monsieur EL MOUMEN et décidé qu'il était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE " l'article R.241-51-1 du code du travail dispose que : " Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude du salarié à son poste de travail qu'après une étude de ce poste et des conditions de travail dans l'entreprise et deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés le cas échéant des examens complémentaires mentionnés à l'article R.241-52 " ; que ces dispositions renvoient à deux situations possibles à savoir celle du salarié pour lequel la reprise du travail même pendant deux semaines serait susceptible d'aggraver son état et celle de celui qui peut reprendre une activité durant cette même période de temps, sans pour autant menacer sa santé ou celle des tiers ; qu'il s'ensuit que le médecin du travail qui vise à la fois ledit article et l'urgence se positionne nécessairement et clairement par rapport à la situation de danger immédiat toute autre interprétation revenant à dénaturer le sens de son avis ; que par ailleurs, " le poste proposé " à ce stade de la procédure ne peut s'entendre que de celui qu'avait toujours occupé le salarié, la société n'ayant pas encore effectué la moindre la proposition de reclassement à la date du 2 février 2006 ; qu'ainsi la société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS n'avait pas à exiger une seconde visite de contrôle avant d'engager la procédure de licenciement " (arrêt attaqué, p. 4, al. 1 à 5) ;

ALORS, d'une part, QU'il résulte de l'article R.241-51-1 (article R.4624-31) du Code du travail que le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude du salarié à son poste de travail après une seule visite médicale que dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celle des tiers ; qu'il appartient alors au médecin du travail de caractériser l'existence d'un tel danger, sans qu'il puisse se borner à une référence au texte qui précède ; que pour déclarer valable le licenciement fondé sur l'avis d'inaptitude qui se bornait à mentionner : " Inapte au poste proposé à dater de ce jour en application de la procédure d'urgence de l'article R.241-51-1", ces mentions étant impropres à caractériser en quoi le maintien de Monsieur EL MOUMEN à son poste entraînait un danger immédiat pour la santé ou la sécurité du salarié ou celle des tiers et se référant à une " procédure d'urgence " étrangère aux dispositions légales, la cour d'appel ne pouvait énoncer que le médecin du travail qui visait à la fois ledit article et l'urgence " se positionnait nécessairement et clairement par rapport à la situation de danger immédiat " sans violer les articles L.122-45 (article L 1132-1) et R.241-51-1 (article R.4624-31) du Code du travail ;

ALORS, d'autre part, QU'en déclarant valable le licenciement prononcé sur le fondement de l'avis d'inaptitude qui se bornait à une référence à l'article R.241-51-1 du Code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'avis d'inaptitude mentionnait qu'une seule visite avait été effectuée, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.122-45 (article L 1132-1) et R.241-51-1 (article R.4624-31) du Code du travail.

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