Violation d'un texte d'ordre public et nullité des élections professionnelles
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La participation d'une personne morale, qui n'a pas la qualité de syndicat, au premier tour des élections professionnelles est une cause de nullité de l'élection, peu important son influence sur les résultats.
>> Soc. 27 janv. 2010, F-P+B, n° 09-60.103
Commentaire :
Les articles L. 2314-24 et L. 2324-22 du code du travail déterminent les groupements habilités à établir des listes de candidats aux élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise. Une distinction est classiquement faite entre le premier tour de ces élections, auquel ne sont autorisés à participer que des organisations syndicales, et un éventuel second tour, ouvert à tout groupement. La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 est venue adapter ce texte aux nouvelles exigences de la représentativité syndicale (art. L. 2314-3, al. 1er et 2, c. trav.). Qu'advient-il alors lorsque un groupement, constitué sous la forme d'une association loi 1901, et non d'un syndicat, et ne répondant pas de surcroît aux prescriptions de l'article L. 2314-3, alinéas 1er et 2, du code du travail, présente une liste de candidats à des élections professionnelles ? Si celles-ci sont arrivées à leur terme, dans quelle mesure encourent-elles la nullité ?
La chambre sociale décide que, selon les articles L. 2314-24 et L. 2324-22 du code du travail, qui sont d'ordre public, seules les organisations syndicales peuvent présenter des candidats au premier tour des élections professionnelles dans l'entreprise. Elle en déduit que la participation d'une personne morale qui n'a pas la qualité de syndicat au premier tour est une cause de nullité de l'élection, peu important son influence sur les résultats.
Sans être fondamentalement novatrice, cette décision vient utilement compléter la jurisprudence de la Cour. Il semblait en effet acquis que le défaut de représentativité était de nature à invalider les élections (Soc. 13 sept. 2005, Bull. civ. V, n° 257; Dr. soc. 2006. 235, obs. Verkindt), ce qui pouvait être légitimement étendu à la qualité même de syndicat expressément exigée par les textes. Au-delà de la seule question de la cause de la nullité, les juges étaient, dans le présent arrêt, principalement interrogés sur l'automaticité de cette sanction. Il est en effet constant que les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement d'un scrutin ne peuvent constituer une cause d'annulation que si elles ont exercé une influence sur le résultat des élections (Soc. 13 mars 1985, Bull. civ. V, n° 164 ; 18 nov. 2008, Bull. civ. V, n° 225 ; Dalloz actualité, 2 déc. 2008, obs. Ines ; JCP S 2009. 1070, note Kerbourc'h). La validité des élections s'apprécie donc in concreto (Soc. 13 juill. 2004, Bull. civ. V, n° 215 ; 9 juill. 2008, n° 07-60.404, Dalloz jurisprudence), ce dont il se déduit que le non-respect d'une disposition légale n'implique pas nécessairement la nullité des élections (Soc. 18 nov. 2008, préc.). Cependant, la Cour est récemment venue préciser que la nullité doit être prononcée, dans certains cas, sans égard aux résultats du scrutin (Soc. 13 janv. 2010, D. 2010. AJ 271 ; Lexbase Hebdo, éd. Soc., n° 380 du 28 janv. 2010, note Radé). Tel est le cas lorsque l'irrégularité est directement contraire aux principes généraux du droit électoral (V. déjà concernant la loyauté du scrutin, Soc. 28 févr. 1989, Bull. civ. V, n° 149), qu'elle est déterminante de la qualité représentative des organisations syndicales dans l'entreprise ou du droit pour un candidat d'être désigné délégué syndical.
La présente décision ajoute expressément à cette liste une hypothèse supplémentaire. La Cour précise en effet que les articles L. 2314-24 et L. 2324-22 du code du travail, dont la violation entraîne la nullité, sont d'ordre public. Ces dispositions participent de la double fonction électorale et syndicale du premier tour des élections professionnelles (Radé, note préc.). Préférence y est donnée aux organisations syndicales qui ont vocation à représenter les intérêts des salariés, mais également la légitimité pour ce faire, et dont la représentativité dépend étroitement de cette participation aux élections professionnelles. D'autres dispositions semblent pouvoir revêtir ce même caractère. Il en est ainsi de l'article L. 2314-3 du code du travail en ce qu'il fait l'obligation à l'employeur d'informer les organisations syndicales de l'organisation d'élections et de les inviter à négocier le protocole d'accord préélectoral. La Cour avait pu décider, à l'égard de ce texte, que le manquement de l'employeur devait, par sa nature, entraîner l'annulation des élections (Soc. 1er avr. 1998, Bull. civ. V, n° 195 ; Dr. soc. 1998. 724, obs. Couturier).
La recherche des dispositions électorales d'ordre public permettrait ainsi de faire le partage entre celles dont la violation peut conduire à l'annulation des élections et celles dont le non-respect entraîne toujours l'annulation des élections.
B. Ines
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