mardi 9 février 2010

Contestation d'un accord préélectoral soumise à un délai de quinze jours

Contestation d'un accord préélectoral soumise à un délai de quinze jours[ 26 janvier 2010 ]
Une contestation qui porte sur la durée des mandats issus d'élections qui se sont déroulés en application d'un protocole préélectoral réduisant cette durée à deux ans n'est recevable que si elle est introduite dans un délai de quinze jours suivant ces élections.

>> Soc. 16 déc. 2009, F-P+B, n° 09-60.149

SOCIAL

Commentaire :
Le protocole d'accord préélectoral est un accord collectif spécial qui détermine les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales dans le respect des principes généraux du droit électoral (art. L. 2314-23 et L. 2324-21 c. trav.). Cet accord peut, plus particulièrement, décider de la division de l'entreprise en établissements distincts, de la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et du personnel dans les collèges électoraux (art. L. 2314-11 et L. 2324-13 c. trav.), de la date et du lieu du scrutin, de l'impression de bulletins ou de la possibilité de procéder à un vote par correspondance ou par voie électronique, de l'organisation d'un second tour (Soc. 13 juin 1989, Bull. civ. V, n° 437). Attaché aux élections qu'il a pour objet d'organiser, ce type d'accord dispose d'un régime particulier, en ce qui concerne notamment sa conclusion, qui est soumise tantôt à une double majorité (art. L. 2314-3-1 et L. 2324-4-1 c. trav.) tantôt à l'unanimité (art. L. 2314-10 et L. 2324-12 c. trav.). Les accords préélectoraux restent toutefois de véritables accords collectifs (A. Supiot, Les accords préélectoraux, Dr. soc. 1988. 115). En tant que tels, ils sont donc susceptibles de comporter des stipulations relatives au fonctionnement des institutions représentatives du personnel (par ex., sur le nombre des représentants syndicaux pouvant être désignés au comité d'entreprise, V. Soc. 3 avr. 2002, RJS 2002, n° 836). Le protocole d'accord préélectoral peut donc prévoir, comme tout accord collectif (art. L. 2314-27 c. trav.), la réduction du mandat de délégué du personnel (Soc. 24 mai 2006, Bull. civ. V, n° 187 ; RDT 2006. 403, obs. Nadal ; JCP S 2006. 1646, note Césaro) et, par voie d'extension, celle du mandat des membres de la délégation unique du personnel (art. L. 2326-1 c. trav.).

Alors que l'on pourrait croire que cet aspect de l'accord préélectoral fût soumis au régime de droit commun des accords collectifs, la Cour de cassation y applique au contraire le régime des élections professionnelles. En l'espèce, un syndicat avait contesté la validité de la clause réduisant la durée du mandat de la délégation unique du personnel deux ans après la tenue des élections suivant la conclusion de l'accord préélectoral. La Cour approuve le tribunal d'instance d'avoir débouté le syndicat de sa prétention. Elle considère en effet qu'une contestation qui porte sur la durée des mandats issus d'élections qui se sont déroulées en application d'un protocole préélectoral réduisant cette durée à deux ans n'est recevable que si elle est introduite dans un délai de quinze jours suivant ces élections.

La chambre sociale fait donc pour la première fois application, à la contestation portant sur la stipulation d'un accord préélectoral, des dispositions de l'article R. 2314-28, alinéa 3, du code du travail. La Cour a récemment décidé que l'illicéité de la clause réduisant un mandat électif rejaillissait sur le protocole en son entier, entraînant ainsi sa nullité (Soc. 24 mai 2006, préc.). Dès lors, la solution retenue par la Cour est cohérente. Si la contestation est relative à la validité d'une stipulation qui est susceptible de compromettre la validité de l'accord, et partant, des élections, elle relève de l'article R. 2314-28 du code du travail. Toutefois, la position adoptée est, dans le même temps, en contradiction avec d'autres décisions de la Cour. Il avait été en effet décidé que le protocole d'accord préélectoral relevait du régime de droit commun des conventions collectives s'agissant des stipulations qui ne revêtent pas de nature électorale (Soc. 23 juin 1999, Bull. civ. V, n° 302 ; D. 1991. IR 191 ; RPDS 1999. 283, obs. Cohen ; RJS 1993. 830, obs. Barberot ; rappr. Soc. 24 mai 2006, Bull. civ. V, n° 186). Comme cela a été souligné, « il n'existe pas de conventions électorales par nature mais seulement des stipulations électorales par nature » (A. Supiot, art. préc.). Il faudrait donc permettre la divisibilité des stipulations du protocole d'accord préélectoral et traiter séparément chacune d'entre elles en fonction de son objet. Par ailleurs, quand bien la validité de la réduction de la durée du mandat représentatif serait remise en cause, l'accord préélectoral n'en serait pas moins toujours valable, tout comme les élections que ce dernier organise. Un anéantissement partiel de l'accord est donc envisageable (Nadal, obs. préc.). Dans ce cas, il suffit d'appliquer les dispositions supplétives du code du travail qui fixe la durée des mandats à quatre ans. Le délai de contestation serait alors le délai de droit commun applicable à l'action en nullité de tout ou partie d'un contrat. Les dispositions relatives à la durée des mandats étant d'ordre public absolu (Soc. 8 nov. 1994, Bull. civ. V, n° 296), la nullité des clauses d'une convention collective qui y dérogeraient peut être demandée dans un délai de cinq ans (art. 2224 c. civ. ; pour les actions nées antérieurement à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et relevant de l'ancienne prescription trentenaire, V. art. 26 II de cette loi).

B. Ines

Dalloz actualité © Editions Dalloz 2010
ELECTIONS
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COUR DE CASSATION

Audience publique du 16 décembre 2009

Rejet

Mme MORIN, conseiller le plus

ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 2575 F-PB


Pourvoi n° R 09-60.149



R E P U B L I Q U E FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par le syndicat CFDT santé sociaux d'Eure-et-Loir, dont le siège est 4 rue Emile Zola, 28300 Mainvilliers,

contre le jugement rendu le 31 mars 2009 par le tribunal d'instance de Chartres (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ à la fondation Texier - Gallas, dont le siège est 41 rue du docteur Maunoury, 28000 Chartres,

2°/ à Mme Chantal Mazingue,

3°/ à Mme Agnès Vinson,

4°/ à Mme Stéphanie Queyriaud,

5°/ à M. Thierry Tessier,

domiciliés tous quatre Maison de retraite Texier Gallas, 2 rue du docteur Andrieu, 28260 Anet,

6°/ à M. Bruno Nainville,

7°/ à Mme Nathalie Teissedre,

8°/ à Mme Sabrina Segouin,

9°/ à Mme Véronique Dechamp,

domiciliés tous quatre Maison de retraite Texier Gallas 30 rue de Chartres, 28700 Auneau,

10°/ à Mme Marilyn Morin,

11°/ à Mme Samira Cousin,

domiciliées toutes deux Maison de retraite Texier Gallas, 28340 La-Ferte-Vidame,

12°/ à Mme Laurence Le Louarn,

13°/ à Mme Laurentina Texeira de Jésus,

14°/ à Mme Isabelle Le Barh,

15°/ à Mme Estelle Freon,

domiciliées toutes quatre Maison de retraite Texier Gallas, 2 rue Texier Gallas, 28140 Orgères-en-Beauce,

16°/ à Mme Marie-Christine Bence,

17°/ à Mme Aurélia Toury,

18°/ à Mme Catherine Gaubert,

19°/ à Mme Sylvie Gatineau,

20°/ à Mme Dominique Chaillou,

21°/ à Mme Saïda Gaudemer,

22°/ à Mme Josiane Roche,

domiciliées toutes sept Maison de retraite Texier Gallas, 25 rue Jules Langlois, 28150 Voves,

23°/ à Mme Emile Duchon,

24°/ à Mme Catherine Ployaert,

25°/ à Mme Marianne Mazingues Sourty,

domiciliées toutes trois fondation Texier Gallas, 41 rue du docteur Maunoury, BP 40 056, 28001 Chartres cedex,

26°/ au syndicat CFTC, dont le siège est 2 rue Georges Brassens, 28000 Chartres, représenté par Mme Ployaert,

27°/ au syndicat CFE-CGC, dont le siège est 33 rue des Vieux Capucins, 28000 Chartres, représenté par Mme Barthélémy,

28°/ au syndicat CGT, dont le siège est 1 rue Saint-Martin au Val, 28000 Chartres,

29°/ au syndicat FO, dont le siège est 10 rue des Blottes, 28000 Chartres,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 novembre 2009, où étaient présents : Mme Morin, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Perony, M. Béraud, conseillers, Mme Darret-Courgeon, conseiller référendaire, M. Carré-Pierrat, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat du syndicat CFDT santé sociaux d'Eure-et-Loir, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la fondation Texier-Gallas, les conclusions de M. Carré-Pierrat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique du pourvoi, qui est recevable :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Chartres, 31 mars 2009), qu'un protocole préélectoral signé en 2007 au sein de la fondation Texier-Gallas a prévu que les mandats des membres de la délégation unique du personnel seraient d'une durée de deux ans ; qu'un nouveau processus électoral a été engagé en 2009, aboutissant à la signature, le 10 février 2009, d'un protocole préelectoral ; que contestant la fixation des mandats à deux ans, la CFDT a saisi le tribunal d'instance aux fins qu'il soit constaté que les mandats des représentants élus en 2007 n'expiraient qu'en 2011 et que soient annulées les opérations électorales engagées en 2009 ;

Attendu que le syndicat CFDT fait grief au tribunal d'instance de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, que la contestation ne portait pas sur la validité du protocole électoral de 2007 mais sur ses effets ; qu'aucune forclusion ne pouvait donc être opposée ; qu'en se disant être saisi de la validité du protocole et non de sa portée sur la durée des mandats, et alors que l'accord du 19 février 2009 ne pouvait réduire les mandats en cours, le tribunal a violé les articles 4 du code civil, L. 2324-2, L. 2314-26 et L. 2324-24 du code du travail ;

Mais attendu qu'une contestation qui porte sur la durée des mandats issus d'élections qui se sont déroulées en application d'un protocole préélectoral réduisant cette durée à deux ans n'est recevable que si elle est introduite dans un délai de quinze jours suivant ces élections ; que le tribunal, qui a constaté que le protocole électoral litigieux avait été conclu en 2007, en a exactement déduit que l'action de la CFDT, introduite en 2009, n'était pas recevable ;

Et attendu que l'accord du 19 décembre 2009 n'avait pas pour objet de réduire la durée des mandats déjà fixée à deux ans par le protocole préélectoral de 2007 mais de fixer cette durée pour les prochaines élections et qu'il n'était pas attaqué de ce chef ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche, est mal fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille neuf.

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